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Témoignage de Jessica Ribeiro à propos de l’initiative sur les soins infirmiers.

Jessica Riberio est infirmière HES, membre du Comité directeur du PSV et de la section PS Corsier-sur-Vevey.

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Pour écrire ce texte et mettre quelques-unes de mes réflexions en forme, j’ai décidé de me poser la question du « pourquoi » je m’engage dans cette campagne.

D’abord parce que je veux que des soins de qualité soient assurés en Suisse, pour moi, pour ma famille, mes proches et toute la population qui vit en Suisse. Je crois que la santé est l’une des raisons d’être de notre société.

Ensuite, je m’engage parce que je suis infirmière. J’ai terminé ma formation en 2014. Super motivée et pleine de bonnes intentions, j’ai commencé à travailler à l’hôpital. Je n’ai pas compté mes heures, appris à m’adapter dans les changements d’horaires nuit/jour matin/soir. Que ce soit physiquement, psychologiquement ou socialement, j’ai senti l’entrée dans le monde des soins comme intense. Et puis, après 4 ans sur le terrain, j’ai senti une grande fatigue, je me suis sentie exténuée. Un contexte difficile avec de la violence de la part de patient-e-s, des collègues épuisés et arrêtés et non remplacés, une hiérarchie démunie et cette sensation que la situation n’allait pas s’améliorer m’ont amené à m’épuiser moi aussi. Un dimanche matin à 6h45, dans le bureau infirmier, je me suis demandé pourquoi je m’infligeais ça. Je ne pouvais pas me faire du mal pour soigner les autres. A ce moment-là, j’ai pensé quitter le métier. J’ai eu envie d’être égoïste et de changer de voie pour avoir une vie sociale plus simple, pour passer du temps avec ma famille tous les weekends, pour ne plus avoir la boule au ventre avant d’aller travailler parce que je sais que je vais finir la journée « sur les rotules ». Heureusement, j’ai pu avoir du soutien et j’ai repris goût à mon travail. Lorsque j’accompagne des étudiant-e-s en stage, je ne peux m’empêcher de penser qu’ils ou elles vont aussi passer par des périodes difficiles dans leur carrière et qu’une grande partie d’entre eux-elles vont quitter le métier. Cela me rend triste et je vois la perte de compétences liée à ces jeunes diplômés qui vont finir par partir.

Une troisième réflexion qui m’a donné envie de militer, c’est le mouvement de rentabilisation des soins. L’hôpital publique est un service publique indispensable. La pandémie actuelle a souligné ce service essentiel à la population. Les coupes budgétaires, la facturation à l’acte, la pression constante à la performance au plus vite et au moins cher, la standardisation des soins mettent la pression sur les soignants qui sont au bout de la chaîne. Il n’est pas normal de devoir installer un-e patient-e dans un fauteuil en attendant sa sortie parce que nous devons déjà remplir son lit avec une nouvelle entrée. Il n’est pas normal que le temps passé à faire un soin soit constamment surveillé, minuté, facturé, accepté ou non par l’assurance maladie. L’hôpital publique ne peut pas être rentable. La santé ne doit pas être rentable. Le système de santé doit être au service de toutes et tous en offrant les soins nécessaires, de qualité, dans de bonnes conditions. Les différences de salaires entre établissements ne se justifient en rien. Il est inadmissible d’économiser sur le dos des soignant-e-s.

Le dernier élément concerne le métier en soi qui a évolué en même temps que la complexification des maladies, des situations. Les infirmier-ère-s sont compétents, détiennent une expertise qui leur permet de faire des évaluations cliniques, de prévenir et de détecter des complications, de réagir correctement face à des urgences, de prendre des mesures pour améliorer la qualité de vie, d’accueillir la vie, la mort et tout ce qui vient entre deux. Ce métier traditionnellement féminin souffre de manière évidente de la différence salariale. Pourquoi est-ce un métier moins bien payé que les autres métier « HES » ? Pourquoi notre Bachelor of Science nous mène-t-il à des salaires au rabais ?

La pression du manque de temps, de la rentabilité supposée des soins, de la complexité des situations, des absences non-remplacées, le manque de valorisation salariale, le manque de reconnaissance, le manque de perspectives d’améliorations pèsent sur le dos des soignant-e-s qui se sacrifient pour que le système continuer de tourner. Les soins sont la colonne vertébrale du système de santé, il faut la renforcer !

En tant que femme, infirmière, mère et socialiste je ne peux que vous inviter à voter oui et à vous mobiliser pour cette campagne.

Voter oui aujourd’hui, c’est enfin reconnaitre à sa juste valeur les métiers des soins. C’est investir dans l’avenir du système de santé et le renforcer. C’est améliorer l’accès et favoriser le développement de la formation. C’est améliorer les conditions de travail et donc la qualité de vie des acteurs des soins. C’est entendre la souffrance des soignant-e-s qui alertent sur la situation déjà difficile et y faire face.